6ème notion : Etat, société et échanges

Publié le par Bartholomeus



         Etat, société et échanges



P.S : la partie sur les échanges concerne uniquement la section ES, pour les terminales S, la notion se limite à "état et société".

 

Introduction

           

            Question de fond de la politique : comment unifier le multiple ?

Double écueil face à ce problème:

          -si le multiple prédomine (c'est-à-dire que si l'individualisme prédomine), l'unité ne peut se faire : le risque est alors l'anarchie (c'est-à-dire que l'état ne peut diriger)

          -si l'unité prédomine, la multiplicité disparaît (c'est-à-dire que l'individu ne peut plus s'affirmer comme tel) : le risque est alors le totalitarisme

La dérive vers l'anarchisme (absence de pouvoir) est relativement simple à envisager, puisqu'elle correspond plus ou moins à l'état initial de l'homme (l'état de nature). Comment imaginer cependant l'excès inverse? En effet, comment un homme peut-il accepter la perte de sa liberté ?

Pour illustrer cette dérive, il est possible de se référer à "La ferme des animaux" de George Orwell.


Exemple: Dans ce livre, Orwell montre les différentes étapes qui conduisent à la perte des libertés individuelles.

1ère étape : différents individus en viennent à se reconnaître et à s'associer (association qui est rendu possible par l'opposition à un même adversaire, c'est-à-dire à celui qui est le plus différent de moi). Dans le cas précis de ce livre, l'association est celle des animaux face à l'homme (l'adversaire)

2ème étape : après l'étape révolutionnaire (c'est-à-dire l'affrontement avec l'adversaire commun), les différents individus vont rester liés, notamment grâce aux liens créés par la lutte commune. C'est dans la lutte également que certains se seront d'ailleurs distingués, ce qui leur donnera un statut particulier par la suite

3ème étape : la société nouvellement créée va à nouveau se diviser pour répondre aux différents besoins, et certains, en plus de la tâche qui leur est attribuée, auront des idées pour diriger la nouvelle société. Dans un premier temps, ces idées serviront le bien commun, et ne seront pas accompagnées d'un statut particulier pour ceux qui les auront, qui feront apparemment par pur altruisme.

4ème étape : ce volontariat initial pour la direction commune finira par engendrer des privilèges particuliers, pour récompenser cette tâche, privilèges qui seront favorisés par la mise en avant d'un nouvel obstacle/ennemi (il est plus facile de faire accepter de nouveaux privilèges quand des problèmes plus pressants occupent les esprits).

5ème étape : cette mécanique (augmentation des privilèges pour la classe dirigeante et oppression de la société) se poursuivra, amenant à l'émergence de l'Etat, qui s'appropriera le pouvoir, justifiant cette appropriation par le contexte.

 

Ainsi, il est possible d'imaginer que la société va naître face à l'adversité, comme une réunion d'individus qui laissent leurs différences de côté pour dépasser l'obstacle commun.


Exemple : -le patriotisme (c'est-à-dire le lien social ressoudé) qui accompagne les grands événements sportifs (l'obstacle/ennemi étant symbolisé par l'équipe/la nation adverse)

-Il est possible de voir dans le culte du sport qui est mis en avant dans de nombreuses nations totalitaires une manière d'entretenir un obstacle/ennemi nécessaire à un lien social fort, sans avoir de conflits réels.

 

De même, il est possible de voir l'Etat comme un détournement du pouvoir social au profit de quelques uns. La politique trouve d'ailleurs son étymologie dans le terme "polis" (la cité), "politeia" (l'administration d'un homme d'état), que l'on retrouve dans le terme "politesse" (règles de l'usage correct des liens sociaux) et "police" (force de l'order d'une société).


Exemple: les différents degrés de corruption de l'Etat chez Platon ("La république")

-cité idéale (aristocratie : les plus sages gouvernent)

-la timarchie (les gouvernants recherchent le pouvoir et les avantages)

-l'oligarchie (les plus riches gouvernent)

-la démocratie (révolution des plus pauvres)

-la tyrannie (le tyran = protecteur contre une cité devenu trop licencieuse)

 


I)L'Etat, outil de manipulation sociale

           

            En quoi est-il possible de voir dans l'état un simple outil de manipulation?

Le rôle de l'Etat est de diriger/guider la société. Dès lors, soit ce rôle de guide est nécessaire, soit il se fait passer pour nécessaire (auquel cas il ne vise qu'à accomplir ses propres objectifs).

La seule raison qui puisse rendre ce rôle de guide nécessaire serait le fait que la société ne puisse se diriger elle-même.

Or, qu'observe-t-on dans nos sociétés actuelles ?

Exemple : dans nos sociétés, soumises à la protection de la loi et des forces de l'ordre, pourquoi les individus se méfient-ils de leurs voisins ? Si la société est capable de se diriger elle-même, pourquoi ne se fait-elle pas confiance à elle-même ?

Donc, si dans une société déjà dirigée par un Etat, la société n'est pas en mesure de se diriger elle-même (même pire, si elle souffre de dissensions qui pourraient la conduire à sa perte), alors la disparition de l'Etat (qui se présente comme un garde-fou) laisserait la société dans une situation dans laquelle elle ne pourrait pas survivre. Dans ce cas, l'Etat est une nécessité sociale, dont la société a besoin pour exister et subsister.

         

           

            A)La société n'existe que par la direction de l'Etat

 

            Quelle est la position de l'homme de fait?

En dehors des distinctions sociales, qui établissent une hiérarchie entre les hommes, y a-t-il une hiérarchie naturelle entre les hommes ?

S'il existe de fait des différences de force entre les hommes naturellement, rien n'indique qu'elles soient déterminantes au point de hiérarchiser les hommes. Si bien qu'il est possible de considérer qu'à l'état de nature, tous les hommes sont égaux de fait.

Avant la mise en place de la 1ère forme sociale, les hommes sont donc égaux entre eux.

L'égalité entre les hommes n'est-elle pas souhaitable?

Selon Hobbes ("Le léviathan"), cette égalité n'est pas souhaitable à cause des 3 principales causes de discorde que l'on retrouve dans chaque homme :

    -la compétition

    -la défiance

    -la gloire

La 1ère fait que tout homme ayant les mêmes besoins (sociaux ou naturels), il cherchera à les combler avant les autres : les hommes s'attaqueront donc en vue du gain.

La 2nde fait que tout homme ayant peur de la mort, il cherchera à se prémunir contre les dangers qui pourraient mettre son existence en péril : les hommes s'attaqueront pour assurer leur propre sécurité.

La 3ème fait que tout homme possède une certaine estime de lui-même, qui le conduira à répondre à tout ce qui lui semblera être une offense : les hommes s'attaqueront sans raison.

Dès lors, dans une société/un regroupement d'hommes où régnerait l'égalité ne pourrait qu'apparaître qu'un état de "guerre de chacun contre chacun". C'est pourquoi pour éviter cette égalité qui ne peut mener qu'à un conflit ouvert, il sera nécessaire d'établir une hiérarchie arbitraire, conventionnelle.

Contre-arguement : il est possible d'objecter à cette idée de Hobbes selon laquelle les égoïsmes individuels identique, parce qu'ils sont identiques chez tous, engendreraient un conflit préjudiciable à tous l'idée d'Adam Smith de la main invisible.(l'idée selon laquelle chaque homme, en étant égoïste et en recherchant son intérêt propre contribuerait sans le savoir au bien de tous.)


Cependant, cette idée de la main invisible est criticable par le "dilemme du prisonnier" (cf. article annexe)


Sur quelle base peut s'établir cette convention?

Par définition, celle-ci ne pourra pas être naturelle (puisqu'elle est conventionnelle), elle ne pourra s'établir que sur le mode de l'échange, sous la forme d'un pacte social, d'un contrat.

L'Etat qui va en résulter sera donc légitime, non pas par nature, ni même par droit divin, mais parce qu'il est le résultat d'un choix volontaire.

La société va donc se créer par une inégalité, dans laquelle la majorité perdra son droit naturel, pour se soumettre au droit positif de l'Etat.

De plus, pour éviter la résurgence des conflits antérieurs, l'inégalité sera nécessaire au sein de la nation, avec un état dont le pouvoir doit être absolu (il ne doit pas pouvoir être remis en cause) et une société dont le seul pouvoir est celui d'assurer sa propre survie (car c'était la contre-partie offerte dans le cadre du contrat).


Il ne s'agit donc pas d'une ruse de l'Etat, mais du 1er Etat de droit.


Cependant, les termes du contrat établi entre la société et l'Etat implique certes l'abnégation sociale, mais également en échange sa sécurité. Or, pour assurer la stabilité sociale, il est nécessaire que de créer des inégalités au sein de la société (par la création de distinctions honorifiques). Mais si la société est divisée en différentes classes, cela lui enlève de fait la possibilité de solidarité entre ses membres. Dans ce cas, si une des parties de la société subit le despotisme de l'Etat (au point de remettre sa survie en cause), comment l'individu pourra-t-il faire valoir son droit naturel face au pouvoir absolu de l'Etat?

Donc même, si l'Etat provient au départ d'un choix volontaire, les dérives étatiques finissent par outrepasser ce droit, si l'Etat n'inclut pas en lui-même la possibilité d'un contre-pouvoir.

         
          B)Les ruses étatiques.

Publié dans notions complètes

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