3ème notion: la matière et l'esprit (2ème partie)

Publié le par Bartholomeus

II)Le monisme en réponse aux faiblesses du dualisme.

 

            On va trouver au 18ème siècle l’émergence d’un courant de pensée, qui ramènera l’ensemble des phénomènes à des principes matériels, le matérialisme. Cependant, ce courant de pensée, s’il trouve son nom au 18ème siècle avec Leibniz et La Mettrie n’est pourtant pas originaire de cette époque. En effet, on trouve les premières formes de matérialisme dans l’antiquité, notamment avec des philosophes comme Lucrèce, élève d’Epicure.

Pour comprendre les origines du matérialisme, nous pouvons nous intéresser à la philosopher épicurienne (ou aux ajouts de Lucrèce, notamment la notion de clinamen, qui semble n’avoir été introduite dans la théorie épicurienne que par les disciples de celui-ci, alors qu’elle aurait été découverte par Lucrèce).

 

            A)L’émergence du matérialisme (Lucrèce) 98-55 av. J-C


            Cf. théorie d'Epicure

Ainsi, avec Lucrèce, on voit que toute la réalité peut être réduite à une ensemble d’éléments matériel, extrêmement petits, mais qui sont à la base de tout. Cependant, l’avancé de la science va petit à petit modifier les conceptions sur la matière, entraînant avec cette modification de nouvelles conceptions matérialistes.


Exemple : le problème de la génération spontanée.

 

            B) L’avènement du matérialisme des lumières.

 

            L’arrivé des Lumières va apporter une profonde modification sur la façon de pensées des intellectuels. En effet, de plus en plus, la curiosité intellectuelle va se développer, notamment par un plus grand recours à l’expérience et à l’observation.

Ainsi, la généralisation des dissections humaines, depuis la première effectuée par André Vésale en 1537, va permettre de nouvelles études sur la matière qui forme le corps humain.

En effet, jusque Vésale, l’étude de l’anatomie humaine ne se basera que sur les études de Galien, 15 siècle plus tôt, qui s’était basé sur des dissections animales pour établir la carte du corps humain.

Le problème de la constitution du corps humain est centrale, car l’homme semble être le seul être vivant à posséder une pensée consciente, et donc si sa matière présente une organisation différente de celle des animaux, il sera alors possible de réduire les mécanismes de « l’esprit » à de simples processus matériels.

Or, les études de Vésale viendront modifier les conceptions traditionnelles, qui se basaient sur le principe d’un esprit vital qui parcourrait les veines et artères de l’homme, semblant indiquer la présence d’un esprit, lié intimement à l’ensemble du corps.

Si la conception anatomiste que va apporter Vésale ne sera pas réellement originale, car déjà introduite par un médecin arabe du 13ème siècle, Ibn Al-Nafis, qui avait déjà montré le principe de mélange de l’oxygène au sang à l’intérieur des poumons, contredisant ainsi le système de Galien. Cependant, la perte des œuvres de Ibn Al-Nafis durant 300 ans nous permet de considérer les travaux de Vésale comme originaux, et réellement révolutionnaire.

Ainsi, avec Vésale s’écroule le mythe de l’élan vitale qui parcoure le corps par les circuits artériels et veineux, engendrant alors la possibilité de réduire à néant la nécessité de l’esprit.

En effet, si contrairement à la pensée d’Aristote, toute vie ne découlait pas de la possession d’une âme, mais d’une certaine organisation de la matière ?

A partir de là, l’observation du corps humain va se généraliser, pour essayer de comprendre le mécanisme de la vie et de sa spécificité dans le corps humain, spécificité qui s’exprime par la pensée.

C’est pourquoi c’est avec un médecin que l’on verra se développer une nouvelle conception de la matière : La Mettrie (18ème siècle).

La pensée de La Mettrie va être largement critiqué lors de la parution de ses livres. En effet, La Mettrie professera un matérialisme strict et en tirera les conséquences sur l’humanité, notamment sur la valeur de la morale.

Ainsi, le matérialisme de La Mettrie se développera tout d’abord dans le cadre de sa profession de médecin, notamment de la traduction des textes de l’un de ses professeurs, le médecin Boerhaave.

Mais d’une certaine façon, c’est dans son dialogue (par œuvres interposées) avec Diderot que la pensée de La Mettrie va se développer. Ainsi, bien que la pensée de La mettrie semble se développer sur un modèle mécaniste, reprenant par exemple les esprits-animaux de Descartes et le corps-machine, les animaux-machines, son œuvre renvoie systématiquement à celle de Diderot, reconnaissant en ce dernier la puissance de son esprit, bien que remarquant les erreurs de raisonnement de ce dernier.

Ainsi, en se basant sur la stricte observation du corps humain (et en gardant à l’esprit un recours constant à l’exigence de trouver des observations pour appuyer ses thèses), La Mettrie en viendra à affirmer l’absence du principe spirituel comme exigence pour expliquer le mouvement de la matière inerte. En effet, Descartes déjà avait considéré la matière comme simple étendue, et donc totalement dépourvue de force en elle-même. Or, les expériences de La Mettrie, notamment sur les fibres (nerveuses et musculaires) du corps humain va mettre au jour un principe qui n’a jamais été vue auparavant : l’existence d’un mouvement réactif au niveau des fibres mêmes, c’est-à-dire au niveau des parties de matière même (sans donc qu’il ne soit possible de recourir à l’esprit pour l’expliquer puisque l’esprit ne semble se développer que dans un sujet humain organisé).

Si la matière en elle-même est capable de se mouvoir seule, sans nécessité d’un principe à son mouvement, alors une des raisons de l’existence de l’esprit s’écroule.


Exemple :* le corps est capable d’un mouvement par lui-même, sans recourir à la pensée consciente.

Placé un thermomètre sur le corps d’une personne (de préférence assez éloigné de la main, comme sur le visage). Laissez la température indiqué par le thermomètre se stabiliser, et placer alors sa main (ou son pied) dans un liquide très froid.

On observe alors, au bout de quelques secondes une augmentation de la température du corps.

*Le fait de ne pas boire de boisson fraîche quand la température extérieure est importante (car augmente la température corporelle et donc donne encore plus chaud).

*Le réflexe de posture

 

On voit alors que le corps, et par extension, la matière, est capable de mouvement propre, et ce sans recourir à un principe comme l’esprit pour les justifier.

C’est à partir de ce recours à l’expérience que La Mettrie va affirmer que « Nous ne connaissons dans les corps que la matière, et nous n'observons la faculté de sentir que dans ces corps: sur quel fondement donc établir un être idéal désavoué par toutes nos connaissances? » (« Traité de l’âme », La Mettrie).

Cependant, si La Mettrie refuse l’existence d’un principe immatériel, il n’en arrive pas pour autant à essayer de définir les caractéristiques de la matière.

En effet, la matière, dans sa constitution propre, reste pour lui aussi obscure, bien qu’observable, que l’ancienne notion d’âme. Cependant, comme l’observation nous apporte la preuve que la matière n’a pas besoin de l’esprit pour justifier ses mécanismes, alors il est inutile de chercher à déterminer les caractéristiques de la matière, tout ce qui compte étant d’avoir dépassé les chimères philosophiques de l’existence de l’esprit.

Ainsi, La Mettrie hésitera longtemps sur la cause d’un principe de pensée au sein de la matière, alternant entre 2 hypothèses :

 

-la matière possède comme propriété la propriété de la pensée (qui n’est dès lors pas plus connaissable, puisqu’on ne peut rien dire des propriétés de la matière).

 

-la pensée viendrait d’une organisation particulière de la matière

 

Ainsi, « nous ignorons si la matière a en soi la faculté immédiate de sentir, ou seulement la puissance de l'acquérir par les modifications, ou par les formes dont elle est susceptible; car il est vrai que cette faculté ne se montre que dans les corps organisés. » (« Traité de l’âme », La Mettrie).

On ne peut donc pas dire que La Mettrie soit réellement mécaniste, car il ne propose pas réellement un principe d’explication de l’origine de la pensée au sein de la matière. Cependant, son principe d’organisation de la matière se généralisera au fur et à mesure de ses œuvres, pour finalement s’appliquer à l’ensemble des processus qui forment les pensées, comme les sens internes. Ainsi, le rôle de l’acquis pour La Mettrie (comme l’éducation, l’expérience…) est des moindres, l’individu est déterminé dès le départ d’un point de vue physique par l’organisation de son corps.

Cette notion de sens interne est importante, car c’est elle qui va engendrer les conséquences sur la morale et les critiques qui ont poursuivi La Mettrie (et qui l’ont conduit à s’expatrier de 2 pays différents).

L’homme est donc plus que la simple somme de ses parties, l’organisation de ses parties est plus déterminante encore, ce qui nous renvoie encore une fois à la notion de dynamisme corporelle (car qui dit organisation présuppose mouvement pour utiliser cette organisation).

Dès lors, la différence entre humains et animaux n’est pas une différence de nature (qui impliquerait une substance différente), mais une simple organisation différente.

Il ne faut cependant pas en conclure chez La Mettrie que la matière soit douée de pensée. En effet, le fait que l’organisation de la matière engendre des pensées et totalement différents du fait que la matière puisse penser.


Exemple : un processeur seul ne fait pas un ordinateur, et n’est pas capable de calculer une fonction. Par contre, ce processeur, inclus dans un système organisé, sera capable de résoudre ce type de calcul. De la même faon, un processeur placé dans une organisation plus simple, sera capable de moins de capacité de calcul.

 

La Mettrie ne cherche pas à comprendre comment cette organisation peut engendrer de la pensée, il se contente de le constater.

Ainsi, tout ce qui ne sera objet d’expérience ne pourra être l’objet d’une connaissance, d’où par exemple la difficulté de se prononcer sur le phénomène de génération.

Cette conception de La Mettrie, où les phénomène de conscience peuvent être ramené à des organisation de la matière est ce qu’on appelle une forme de réductionnisme. Cette conception du réductionnisme trouvera son point d’apogée dans les conceptions de la psychologie moderne, notamment au travers de la réduction de la conscience à un principe comportementaliste (tout phénomène est réductible au comportement exemple : les théories de Skinner sur le conditionnement), au schéma stimulus/réponse ou à ses processus neurologiques.


Exemple : le principe de génération chez La Mettrie.

On trouvera 2 hypothèses contradictoires chez La Mettrie. D’une part il évoque notre impossibilité de se référer à ces phénomènes, de part l’impossibilité de les vérifier empiriquement (en cela, il s’opposera à la théorie de Maupertuis).

D’autre part il s’appuie sur la présence en miniature de l’homme dans la semence masculine.

Dans tous les cas, il finira par se résoudre à affirmer « l’ignorance invincible » de l’homme en dehors du champs perceptif.

 

En fin de compte, pour La Mettrie, « nous sommes de vraies taupes dans le champ de la nature. »

 

Cependant, si le matérialisme de La Mettrie dégage certains points intéressants, comme la possibilité pour la matière de se suffire à elle-même, elle dégage tout de même un point excessivement problématique. En effet, si à l’instar de La Mettrie nous affirmons le fait que la matière existe mais qu’elle est totalement inconnaissable en dehors de sa simple perception, alors quelle est l’utilité de conserver le concept de matière ?

Un concept implique d’avoir un objet auquel nous pouvons le renvoyer, ou tout du moins un ensemble de caractéristiques qui le détermine. Or, comme nous ne pouvons rien dire de la matière, il est impossible d’en dégager un concept et il est alors concevable que même cette réalité « objective » ne soit qu’une illusion de mon esprit. Tout ramener à une seule substance ne revient donc pas nécessairement à nier l’esprit, mais peut-être au contraire à nier l’existence de la matière.

 

            C)La remise en cause de la substance matériel et l’accès au monisme immatérialiste.

 

            En effet, les thèses de La Mettrie peuvent nous montrer qu’il n’est pas nécessaire de recourir au passage au monisme, c’est-à-dire le recours à une seule substance. Cependant, sur quelle principe avons-nous pu imaginer que cette substance était nécessairement la matière.

Pour La Mettrie, le fait que la matière soit objet d’une expérience directe nous indiquerait que c’est bien la matière qui est la substance qui existe, et que donc tout peut s’y réduire.

Cependant, quelle preuve avons-nous que cette perception d’une matière renvoie réellement à quelque chose ?

Comme Descartes nous l’avais montré, il semble que nos sens nous trompent régulièrement, donc comment pouvons-nous être assurer de la vérité de leur témoignage ?

Cette critique de l’existence de la matière, Berkeley l’a développera au travers des « 3 dialogues entre Hylas et Philonous ».

Cette critique de la positivité de la matière avait déjà été entamée d’une certaine façon par John Locke, par sa séparation entre 2 types de qualité pour les objets. En effet, John Locke s’était aperçu qu’il était intenable de considérer que toutes les qualités vues soient réellement présentes dans l’objet.


Exemple : Placer sa main dans une bassine d’eau quand nous ne sommes pas fiévreux, l’eau nous paraît être à une certaine température. Refaire la même expérience, mais cette fois-ci en étant fiévreux, la température paraîtra différente, alors que dans les faits elle n’aura pas varier.

C’est donc que la chaleur n’est pas directement incluse dans le corps chaud, mais que cette impression me vient de la liaison de mon esprit avec l’objet.

 

Ainsi, les qualités premières seront solidité, mouvement et nombre. Les qualités secondes seront chaleur, goût, son, couleur, etc. car elles dépendent tout autant de l’objet que de la personne qui perçoit.

"Pour mettre ensemble la pensée, le vouloir etc., nous avons l'idée d'un esprit immatériel ; pour mettre ensemble les éléments solides, nous avons l'idée de matière."

Ainsi, ce serait pour rassembler ces idées qui viennent de 2 sources différentes, nous créerions dans notre esprit l’idée d’un support à ces qualités, qui serait d’une part l’esprit (pour expliquer le support des qualités secondes) et d’autre part la matière, pour expliquer le support des qualités premières.

Cependant, Berkeley en reprenant les thèses de Locke, contestera l’idée que les qualités premières se trouvent directement dans l’objet. En effet, on peut observer que les qualités premières, comme la taille et la forme varient tout autant selon les circonstances que les qualités secondes.

Or, nous postulions l’existence de la matière à partir de la nécessité d’un support pour expliquer le lien entre les différentes qualités premières. A partir de là, si toutes qualités d’un objet sont propres à chacun, c’est donc qu’elles viennent de chacun, et donc, la matière n’a plus aucune nécessité, seul l’esprit sera alors nécessaire.

A partir de là, Berkeley pourra affirmer que la seule existence, ce sera celle des objets perçus, car « esse est percepi », c’est-à-dire qu’être, c’est être perçu. En dehors de cette perception, il n’existe rien, si ce n’est l’esprit qui en fait la synthèse. C’est justement cette synthèse de l’esprit qui fait penser qu’il doit exister quelque chose qui serve de support à l’extérieur de nous pour assurer le lien entre nos différentes perceptions d’un même objet.

Cependant, si être, c’est être perçu, et que toutes les perceptions me viennent de mon esprit, puisque la matière n’existe pas, alors qu’est-ce qui m’empêche de voir ce que je souhaite, ou de ne pas voir ce que je ne souhaite pas ? En effet, quand je perçois un objet, je ne suis pas libre de cette perception, elle s’impose à moi.

Ainsi, cette obligation de perception, loin de remettre en cause l’immatérialisme de Berkeley, lui sert à introduire ce qui formera sa thèse réelle. En effet, il faut bien que ces perceptions me viennent de l’extérieur, puisqu’elles s’imposent à moi. Cependant, à l’hypothèse d’une matière sans qualité et inconnaissable, Berkeley substituera Dieu. C’est Dieu qui m’envoie toutes mes pensées, toutes mes perceptions, et, comme la matière n’existe pas, il est alors nécessaire de croire que Dieu existe, rendant ainsi impossible tout athéisme.

Dès lors, la vision de Berkeley n’a rien changé au monde, celui-ci continue d’exister, la seule différence vient du fait que l’existence prend un nouveau sens, celui d’être perçu.

Cependant, une dernière objection pourrait se soulever : si exister c’est être perçu, alors qu’advient-il de cette table quand je détourne le regard ?

Pour Berkeley, cette table ne disparaît pas pour autant, car il y a toujours au moins une personne qui perçoit cette table, c’est Dieu. Donc Dieu, en plus de nous donner nos perceptions, est également à l’origine de la stabilité du monde.

Ainsi, là où le dualisme affirmait que l’esprit était à l’intérieur de la matière (ou tout du moins attaché à elle, comme chez Descartes), Berkeley affirmera que "l'âme n'est pas dans le monde mais le monde est dans l'âme"

Ainsi, la réduction à la substance unique nous renvoie donc aussi bien à nier l’esprit qu’à nier la matière. Ce qui nous amène à nous retrouver face à un dualisme qui croule nécessairement sous ses propres contradictions (Descartes) ou sur un monisme qui nous renvoie toujours en fin de compte à une croyance, qua ce soit celle de la matière (science), ou celle de l’esprit (philosophie, théologie). Ne peut-on pas imaginer alors que réduire le champ de l’humanité à une distinction aussi stricte nous renverra forcément à des contradictions, car l’humain, en tant que conciliateur des 2 substances, seraient trop complexes pour être étudiés dans ces catégories trop déterministes ?.

 

III)La spécificité du modèle humain.

 

            L’être humain, en tant qu’objet naturel, rentre-t-il dans le cadre des études des sciences de la nature ? En effet, cette question semble traverser la connaissance scientifique, comme une sorte d’écueil sur lequel elle a du mal à se prononcer. Ainsi, l’homme, dans sa spécificité, n’a fait l’objet d’étude réel que de manière sporadique dans le temps, là où d’autres phénomènes physiques ont toujours intéressé les intellectuels.

« Une chose est certaine : c’est que l’homme n’est pas le plus vieux problème ni le plus constant qui soit posé au savoir humain », M. Foucault, « Les mots et les choses ».

D’une certaine façon, la science, en se détournant fréquemment de la question humaine, lui a reconnu une spécificité qui semble dépasser le cadre de ses attributions. Or, si la science s’occupe des phénomènes matériels, faut-il alors reconnaître en l’homme un aspect immatériel, un esprit ?

Cependant, les courants de plus en plus importants des sciences dites humaines visent à réduire l’homme à un nouvel objet, l’objet d’une nouvel expérience, l’objet d’un nouveau discours.

Ces sciences ont ainsi essayé de fournir différentes explications pour justifier l’existence de la pensée. Ces explications peuvent se rassembler dans les grands courants suivants :

 

-le modèle computationniste, qui traite le cerveau comme un ordinateur à traiter l’information, qui se résumerait à l’utilisation de règles logiques et mathématiques pour faire ses calculs. Ce modèle est critiqué car sa vitesse de traitement des informations est incompatible avec une suite logique systématique pour chaque opération

 

-le modèle néo-connexionniste, qui considère la pensée comme une résultante de réseaux d’éléments connectés les uns aux autres. La pensée est alors considéré comme un immense filet de pêche dans lequel chaque maille traite l’information qui lui est propre avant de regrouper les résultats.

 

-le modèle de sélection des groupes neuronaux, qui explique la pensée comme une lutte neuronale, dans laquelle ne survivent que les neurones qui se révèlent utiles vis-à-vis du milieu dans lequel l’homme vit. (G. Edelman)

 

-le modèle actionnaliste enfin, qui découlent d’une action du milieu extérieur.

 

 

Cependant, recourir à ces discours stricts est rendu délicats par l’ambivalence qui subsiste dans les sciences humaines. En effet, des sciences de la nature, les sciences humaines ont retenu la nécessité de s’intéresser au « comment » des phénomènes, c’est-à-dire de demeurer dans un état positif de la connaissance qui pourrait s’affranchir de toute considération trop personnelle, en se cachant derrière un formalisme sensé objectiver le discours scientifique.

Il faut effectivement comprendre que le « comment » implique une recherche des causes certes, mais des causes effectives d’une action, et donc non pas de ce qui a amené l’action à se produire, mais de la façon dont elle s’est produit. Or, la réduction au procédé de mise en place d’une action renvoie à des lois nécessairement physiques, car cette action prendra nécessairement effet dans le cadre des lois déterminées par la physique.

Ainsi, en réduisant l’action de l’homme à son comment, les sciences humaines impliquent nécessairement une vision déterministe de l’homme, et donc sa réduction à un simple objet, certes particulier, de par l’identité de l’expérimentateur et de l’expérimenté, mais un objet néanmoins.

Or, les sciences humaines, en plus de chercher à expliquer le phénomène humain, sont toujours trahies par leur propre humanité, qui les pousse à comprendre le phénomène humain. Or, si l’explication peut prétendre à l’objectivité, la compréhension passe nécessairement par un passage par la pensée de celui qui fait l’action, et donc une subjectivité obligatoire. (voir le rapport à autrui).

Or, c’est dans cette contradiction objectivité recherchée/subjectivité que les sciences humaines tombent en faute et se retrouvent soumises à des contradictions fréquentes entre différentes conceptions opposées.

Or, si l’homme, qui semble être la preuve vivante de l’union d’un esprit et d’une matière, est l’objet d’une connaissance qui ne peut qu’être contradictoire, il semble logique alors que l’union( ou l’identité) de la matière et de l’esprit soit tout aussi contradictoire, car son seul moyen d’accès est lui-même sujet à la contradiction.

Ainsi, la réflexion sur la matière et l’esprit semble donc devoir s’inscrire dans un double mouvement : épistémologique d’une part, car il implique une remise en cause de nos connaissances sur le monde, et éthique d’autre part, car les conclusions de cette réflexion pourront venir modifier notre conception de l’humanité, et notre façon d’appréhender notre rapport aux autres.

 

Conclusion

 

            Ainsi, il semblerait que ce ne soit qu’au prix d’un réductionnisme insatisfaisant que la question de la matière et l’esprit pourrait trouver une réponse définitive et tranchée. En effet, toute tentative de retranscrire la spécificité de certains phénomènes, par l’adjonction d’un esprit qui en serait la cause, nous plonge dans un certain nombre de contradictions, inacceptable d’un point de vue intellectuel, tandis que la réduction à un seul ordre d’existence nous ramène à un ensemble de phénomènes déterminés, qui ramèneraient l’homme à un simple mécanisme, particulier certes, mais au même titre que tout autre phénomène, mais purement mécanique néanmoins. Toutefois, l’échec des sciences humaines dans leur tentative de réduire l’homme à un simple mécanisme naturel semble indiquer 2 vois possibles pour les recherches sur les rapports matière/esprit : soit il est impossible de réduire l’un à l’autre, et l’échec des sciences humaines s’explique alors par leur prétention à vouloir le faire.

Soi l’un et l’autre ne font qu’un, et ce n’est qu’une erreur de raisonnement qui empêche pour le moment les sciences humaines d’aboutir dans leur recherche. Dans tous les cas, le sujet semble intéresser l’homme au plus profond de lui-même, car elle le renvoie à la partie qui lui semble la plus intime, celui de son être propre, au risque de lui administrer une nouvelle blessure narcissique, après la 3ème que Freud avait déjà infligée.

 

 

Publié dans notions complètes

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