L'art (2ème partie)

Publié le par Bartholomeus

II)Le beau en art

           

            A)La position kantienne sur le beau

 

            Kant va dépasser la problématique sur le beau. En effet, avec Kant le beau ne sera plus une propriété de l’objet ou du sujet percevant, mais un état de conscience de ce sujet. Dès lors, il est totalement détaché des conceptions de connaissance théoriques (concept) et empiriques.

Ainsi, Kant va directement séparer le beau de l’agréable. En effet, l’agréable est ce qui plait au sens et en tant que telle, possède une finalité qui est d’atteindre ce plaisir.

 

« Le jugement par lequel je déclare un objet agréable exprime un intérêt attaché à cet objet, cela est clair puisque, par la sensation, il excite en moi le désir de tels objets ; ici, par suite la satisfaction ne suppose pas un simple jugement sur cet objet, mais rapporte son existence à mon état, dans la mesure où cet objet l’affecte », Kant, « Critique de la faculté de juger »

 

Mais si le beau se distingue de l’agréable, il se distingue également du vrai, car la raison et la logique ne permette pas de l’atteindre.

Pour mieux comprendre le problème qui se pose alors, il faut en revenir à la conception de la perception et de la connaissance de Kant.

 

                                    Perception                          imagination                entendement

 

Noumène   ▬►          intuition     ▬►    concepts à priori=

                                                                     Espace et temps

                                                                              ▐

          ▼

                                                                         phénomène      ▬►    catégories    ▬►  concept

 

 

Les catégories de l’entendement sont au nombre de 4 (qualité, quantité, relation et modalité). Le phénomène est le lieu de l’agréable, tandis que le vrai se situe au niveau du concept. Si donc le beau n’est ni phénomène, ni concept, c’est bien qu’il ne se situe pas au niveau de l’objet. Ainsi, Kant nous définira le beau comme désintéressé, libre contemplation et inutile.

 

*Il est désintéressé car il ne comble aucun désir sous peine de retomber dans le domaine de l’agréable.

 

*Il est libre contemplation car il n’est forcé par rien, pas même par la raison, car il n’y a aucun intérêt au beau (encore une fois sous peine de retomber dans le désir qui le transformerait en agrément et la connaissance).

 

*Enfin, il est inutile, car il ne s’établit que dans un stricte rapport entre le sujet et l’objet, extérieurement à toute considération extérieur, qui serait directement présente dans l’objet.

 

Si ces 3 points semblent plutôt commun quant au jugement sur le beau, le dernier point sur lequel Kant va appuyer son analyse est plus problématique : Kant va affirmer l’universalité du beau.

 

« Le jugement sur le beau révèle donc à l’analyse cette chose étonnante : une universalité non pas conceptuelle, mais esthétique », Kant, « Critique de la faculté de juger »

 

Ce point est en effet le plus contestable et le problème soulevé peut se formuler de la façon suivante :

S’il n’existe pas de concept de beau, comment puis-je affirmer qu’il existe un beau universel autre que le sentiment de l’agréable qui définit le goût ?

En effet, même chez Kant, l’universalité n’est acquise que grâce au passage dans les catégories de l’entendement, qui amène le phénomène à devenir un concept.

Or, le beau ne peut être un concept, car sans cela il attendrait le vrai. Or, nous avons vu que le beau ne peut être le vrai, car il n’est pas atteignable par la logique et le raison.

Dès lors, comment Kant peut-il tout de même affirmer l’universalité a-conceptuel du beau ?

En fait, l’universalité vient des catégories de l’entendement. En effet, le beau ne s’arrête pas au phénomène (sans quoi il serait simple appréciation d’un objet sensible, ce qui le réduirait à l’agrément), il passe par les catégories de l’entendement, mais n’aboutit pas pour autant à un concept. En effet, le beau a toujours besoin de se manifester pour qu’on puisse le reconnaître, ce qui fait que pour Kant « On peut donner des exemples de beauté, on ne peut en donner une définition ».

Ainsi, le beau est comme une subjectivité commune à tous.

Ainsi, les caractéristiques du eau déterminé jusqu’à présent (désintéressé, libre contemplation, inutile et universel) correspondent aux différentes catégories de l’entendement.

Selon la qualité, le beau est désintéressé.

Selon la quantité, il est universel.

Selon la relation, il est libre contemplation.

Selon la modalité, il est inutile (d’où sa nécessité, car la présence d’un intérêt dans le beau le rendrait susceptible d’être rejeté, car il serait possible de ne pas vouloir cet intérêt).

Il faut alors distinguer une différence faite par Kant entre 2 types de beau :

 

- la beauté libre

 

- la beauté adhérente

 

La beauté adhérente est tout simplement un beau associé soit au bon, à l’utile ou à l’agréable.

Par cette distinction, Kant nous montre qu’il ne faut pas chercher le beau dans une règle qui pré-existerait à l’œuvre d’art, car dans ce cas-là, le beau ne serait beau que par son adéquation avec la raison, et dans ce cas-là, sa beauté sera dite adhérente. La beauté libre ne doit pas être recherché dans une perfection de la forme, mais dans un sentiment intérieur, mais néanmoins universel.

C’est cette conception du beau qui implique la notion de génie kantien, car le génie sera alors celui qui sera capable de travailler sans vue d’une fin, dans un processus de création totalement détaché d’un concept à-priori.

Le génie chez Kant est celui qui arrive à mettre son intelligence au service de son imagination et non l’inverse (comme le commun).

 

            B)La conception hégélienne du beau

 

            La conception hégélienne sur le beau va partir d’un constat, celui de l’unité intrinsèque de l’œuvre d’art. En effet, Hegel va dépasser la séparation kantienne (tout en la reprenant) entre l’agrément et le vrai, c’est-à-dire entre jugement des sens et jugement théorique. Cette nouvelle voie que Hegel va trouver, c’est le jugement esthétique.

Mais pour bien comprendre l’impossibilité pour l’art de ne rien exprimer, il faut se demander s’il est possible d’avoir un sentiment esthétique devant n’importe quoi ? La réponse pour Hegel sera bien évidemment non, mais c’est donc qu’il y a quelque chose derrière l’œuvre d’art qui la révèle comme œuvre d’art.

En cela, Hegel reprend la conception romantique de l’art, à savoir que l’art est difficilement soumis à une norme (et par là-même le sentiment de beau qui l’accompagne), car il est expression du réel.

 

« Le poète comprend mieux la nature que l’homme de science », Novalis (romantique allemand du 18ème)

 

D’où le dépassement de Hegel, car pour lui, l’être se révèle au travers de l’art. Or, si l’œuvre d’art est dévoilement du réel, elle est dès lors immédiatement accessible, d’où son universalité.Cependant, si l’œuvre d’art révèle le réel, il n’en est pas pour autant une simple imitation, car comme Hegel nous le dit, « cette répétition peut apparaître comme une occupation oiseuse et superflue, car quel besoin avons-nous de revoir dans des tableaux ou sur la scène, des animaux, des paysages ou des événements humains que nous connaissons déjà? On peut même dire que ces efforts inutiles se réduisent à un jeu présomptueux dont les résultats restent toujours inférieurs à ce que nous offre la nature », Hegel, « Introduction à l’esthétique »

Cependant, c’est par la présence d’une unité au sein de l’œuvre d’art que Hegel dépasse la simple imitation (comme simple juxtaposition d’éléments extérieurs), car cette unité est première à la simple juxtaposition.

 

« [L'œuvre d'art] est la création propre d'un esprit qui ne glane pas les éléments de son oeuvre au-dehors, pour ensuite les réunir n'importe comment, mais produit d'une seule coulée, pour ainsi dire, et dans un seul ton d'ensemble dont les éléments ont réalisé leur union, leur fusion intime dans les profondeurs de son moi créateur. »

 

L’œuvre d’art est donc avant tout le résultat d’une création, création qui n’est possible que par un terme : l’imagination. En effet, l’intellect, la raison ne peut être à l’origine de l’œuvre d’art, car elle ne produit que des concepts, incompatibles avec l’actualisation effective dans le réel.

 

Cependant, Hegel va distinguer 2 types d’imagination :

 

-d’une part l’imagination passive, simple agencement passif d’éléments extérieurs d’un point de vue purement mécanique.

 

-d’autre part l’imagination créatrice, qui est capable de donner une unité à l’ensemble des éléments de l’œuvre, une unité sous-jacente.

 

L’imagination créatrice va alors être capable de marier l’esprit, la raison (d’où le sentiment d’unité présent dans l’œuvre d’art) et les choses, en restant dans les choses (c’est-à-dire dans la matérialité du support de l’œuvre). A l’inverse, la science va être le mariage de l’esprit et des choses dans l’esprit (sous forme de concepts).

Ainsi, si la science vise à trouver le rationnel sous sa forme rationnelle, l’art vise à trouver le rationnel sous sa forme sensible, dans le sensible.

Dans le plaisir esthétique, ce n’est pas l’objet qui est désiré, c’est le rationnel qui se trouve derrière le sensible, c’est l’observation de l’esprit par lui-même. Le plaisir esthétique est le plaisir que prend l’esprit à se voir lui-même sous une forme sensible.

Ainsi, comme pour Kant, le beau est universel pour Hegel, car il est expression sensible de la raison, raison qui elle est universelle. Ce qui amène Hegel à nous dire que « beauté et vérité sont la même chose sous un certain rapport. »

Cependant, si beau et vérité sont la même chose sous un rapport différent, pourquoi l’entendement ne peut-il pas comprendre le beau ? Pourquoi peut-on simplement le ressentir et non l’explique ?

Il faut pour cela se reporter à la nature du beau : il s’agit de la raison au sein des choses, il s’agit de l’esprit sous sa forme sensible. Or, si l’esprit peut atteindre la raison derrière le beau, le sensible reste imperméable à l’esprit, qui en s’en détachant, va perdre le beau dans le même mouvement. Le beau se perd aussitôt qu’il cherche à être compris, il n’est accessible que dans son rapport au sensible. Cependant, par son statut intermédiaire entre sensible et raison (par son statut de raison incarné dans le sensible) que le beau trouve sa nécessité.

En effet, le beau est une des étapes de l’accès à la Raison, que « la contemplation du beau est quelque chose de libéral ». (cf. conception de l’histoire chez Hegel).

Ce qui a amené Hegel à affirmer que l’art est pour nous quelque chose du passé. (car à son époque, Hegel pense que la raison s’est totalement incarnée.)

Publié dans notions complètes

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